Charpentier-menuisier, un métier d’avenir ? Pas de doute pour Florian Pracht ! Ce
compagnon, qui a rejoint l’entreprise familiale à Levoncourt en 2012, vient de créer une
structure d’accueil et de formation pour des itinérants et stagiaires de la Fédération
compagnonnique du tour de France.
Dans la famille Pracht de Levoncourt, il y a d’abord le grand-père, Raymond, qui a fondé la
menuiserie portant son nom en 1954. Le père, Bernard, l’a rejoint au début des années 1980. Son
brevet de maîtrise en poche, il a pris les rênes de l’entreprise paternelle en 1990, sous forme de
SARL (société à responsabilité limitée), avec son épouse Catherine.
En 1996, Bernard Pracht s’est diversifié en reprenant l’activité d’un oncle charpentier. Enfin, le fils,
Florian, a rejoint la menuiserie-charpenterie familiale en 2012. C’est lui qui pilote la machine à
commande numérique, acquise il y a quatre ans, pour réaliser des ouvrages plus complexes, de
type fenêtres à triple vitrage, gravures et escaliers.
Florian n’a pourtant pas débuté devant un écran d’ordinateur. Tracer des traits, concevoir un plan
au crayon, maîtriser la géométrie, avoir une vision dans l’espace… Tous ces rudiments – les bases
du métier de charpentier, il les a appris dès l’âge de 15 ans, parmi l’élite : au sein de la Fédération
compagnonnique du tour de France. Elle forme aux métiers ancestraux des bâtisseurs de
cathédrales : maçon-tailleur de pierre, charpentier, couvreur, menuisier, plombier, peintre-plâtrier,
serrurier. « Je suis parti à Mouchard dans le Jura, à l’Institut européen de formation des
compagnons. J’ai fait mon apprentissage professionnel à Sens comme stagiaire », confie Florian.
Après son CAP charpentier bois, obtenu à l’âge de 17 ans, le jeune Levoncourtois a commencé
son tour de France qui a duré cinq ans. « Le but, c’est de voyager, de multiplier les expériences,
de découvrir des savoir-faire, de s’adapter et d’être autonome. En cinq ans, j’ai énormément
appris, en travaillant dans des entreprises de 25 personnes et, parfois, seul avec un patron. »
Le compagnonnage ne forme pas seulement une main-d’œuvre qualifiée. « On apprend aussi des
valeurs, comme le respect des anciens, l’humilité, le goût du travail bien fait, les devoirs d’où
découleront les droits… C’est un savoir-faire autant qu’un savoir-être. C’est dur, mais on a la tête à
ce qu’on fait. Et c’est aussi une échappatoire. » Durant ce parcours, qui permet au jeune
professionnel de devenir compagnon, « le plus expérimenté apprend les bases du métier au
novice », explique Florian Pracht. « Par exemple, moi, quand j’étais en 5 année, je dispensais des
cours de trigonométrie, dessin technique, technologie du bâtiment, résistance des matériaux… Ça
se passe comme ça depuis des centaines d’années chez les compagnons. » Depuis huit siècles
exactement.
Aujourd’hui, la demande en main-d’œuvre qualifiée est exponentielle, selon le jeune professionnel
qui s’attelle à d’importants chantiers de rénovation du bâti ancien dans le Sud Alsace, avec son
père Bernard Pracht. « Il devient difficile de recruter. On a la chance d’avoir une main-d’œuvre qui
a un savoir-faire ancestral, alors il faut se battre pour la garder. »
Florian Pracht se donne les moyens d’y parvenir : il vient de créer une SCI (société civile
immobilière), nommée « Tintin et Ginette », dans la maison voisine de l’entreprise familiale, qu’il a
rachetée avec son père, et qui est en cours d’aménagement. C’est là que le compagnon
accueillera et formera cinq stagiaires et sept itinérants de la Fédération compagnonnique du tour
de France. « Les itinérants seront salariés dans les entreprises locales. Les stagiaires y feront leur
apprentissage. Le soir et un samedi par mois, ils suivront des cours théoriques et pratiques,
dispensés par des compagnons sédentaires dans la région. Actuellement, je suis le seul, mais l’an
prochain, nous serons deux. »
La satisfaction est double pour Florian Pracht : il y a d’abord celle d’éveiller des vocations en
formant des jeunes qui se retrouvent parfois dans une spirale de l’échec. « Je le constate en
accueillant des jeunes qui sortent du lycée : ils savent se servir d’une machine numérique, mais ils
ne sont jamais allés à l’atelier. » Il conseille aux plus motivés de suivre une remise à niveau à
Mouchard… « Sur huit jeunes que j’ai envoyés là-bas, cinq ont fini meilleurs apprentis de France »,
se réjouit-il. Autre motif de satisfaction pour le compagnon formateur : « En passant du temps à
leur expliquer le métier, des choses me font “tilt”. Je continue d’apprendre moi aussi ! »